Le quartier Gare / Drapeau

C’est sur la place Drapeau qu’avait été bâtie la Halle aux grains où se retrouvaient les céréaliers, transformée ensuite en Théâtre puis en Palais des Congrès.

Aujourd’hui très animé, ce secteur était en limite des espaces commerciaux mais était, comme aujourd’hui, le lieu des grandes fêtes et rassemblements. On y trouvait plutôt quelques hôtels, bars et restaurants .

La route du Bourg-Belais était l’ancienne route vers Poitiers et s’y étaient installés des commerces. La rue menant à la Gare, percée en 1881, est longtemps restée une artère résidentielle occupée par des maisons bourgeoises et les commerces se sont petit à petit développés, d’abord concentrés aux extrémités près de la gare ou près de la place du Drapeau.

 

A cause des mesures sanitaires en vigueur, nous ne proposons pas encore de conférences publiques. Mais, des personnes ayant tenu un commerce, des chercheurs, des habitants de quartiers... ont accepté de partager leurs souvenirs ou recherches sous forme numérique. Parfois en vidéo, parfois en podcast, nous espérons que vous apprécierez en savoir plus sur l'exposition sous ces formes.

Je me souviens...

par M. Chassériaux, ancien habitant du quartier Bourg-Belais

Je me souviens de mon arrivée au Cercle Saint Joseph peu de temps après la fin de la guerre. La cour était coupée en deux par deux rangées de tilleuls. Sa partie basse était une pelouse entourée d’une barrière peinte en blanc, souvenir l’occupation allemande pendant laquelle le Cercle était devenu le foyer du soldat. De cette période était également restée dans la cave une caisse pleine de boutons d’uniforme que j’ai longtemps utilisés comme munitions pour mon lance-pierre sans avoir réussi à la vider. Dans la partie haute on trouvait divers servitudes l’atelier où mon père a un temps confectionnait des gants pour la ganterie Boinot et où ma mère fabriquait parfois un savon gris très abrasif.

Le Cercle c’était alors une fanfare, des jeux de boules en bois qu’il fallait conserver dans l’eau, une troupe de théâtre avec un spectacle annuel, le plus souvent une comédie de boulevard, des tournois de cartes : la belote, la manille et le tru, tournois bien arrosés mais où l’eau n’était pas à l’honneur... Il y avait aussi le basket dont les matchs dominicaux et les entrainements hebdomadaires rythmaient la vie du Cercle. 

Les enfants du patronage catholique s’y réunissaient tous les jeudis après-midi. Lorsqu’il faisait beau la troupe se dirigeait vers l’étang de l’Orgère où dans la lande au-dessus du moulin chacun s’efforçait de prendre la « vie » de son adversaire. La « vie » c’était un ruban de tissus glissé dans la ceinture dans le dos. La vie perdue vous mettait hors-jeu et à la fin de la journée les meilleurs comptaient le nombre de vies remportées. Une fois nous avons pu nous baigner dans l’étang mais pour une raison que j’ignore ce fut rapidement interdit … Les jours de pluie c’était des projections de films de Tintin, de Jo et Zette en vues fixes dans l’ancienne chapelle. L’été venu les plus chanceux partaient en colonie de vacances à Saint Gilles Croix de Vie ou à Carnac dans le Périgord.

Puis ce fut le cinéma dans les années 50.  Je me souviens du premier film : « Robin des bois ». Les séances commençaient par un documentaire puis venaient les actualités avant l’entr’acte où l’ouvreuse proposait des friandises. Parfois des artistes de passage en profitaient pour présenter un numéro de music-hall ou de cirque. Il m’arrivait aussi de pouvoir monter subrepticement dans la cabine de projection au côté de l’opérateur. J’étais fasciné par la lumière verte des grosses diodes qui alimentaient les arcs à charbon d’où jaillissait la lumière. Il fallait veiller à les maintenir à la bonne distance pour éviter que l’arc ne s’éteigne. Il y avait deux appareils de projection en parallèle Les pellicules des films étaient alors enroulés sur de grosses bobines. Il y en avait de 6 à 8 par film. Pendant qu’une bobine passait sur un appareil, il fallait charger la bobine suivante sur l’autre appareil et pour changer de bobine il suffisait de changer d’appareil. Je ne pense pas avoir manqué un seul film pendant ces années-là

En face du Cercle, il y avait la verrerie où l’on fabriquait des décorations pour les arbres de Noel. Il était évidemment interdit d’y entrer mais parfois un ouvrier fermait les yeux et me montrait comment à la flamme d’un chalumeau un tube de verre se métamorphose en une boule ou un sujet plus compliqué comme une maison, un Père Noël ou une étoile, comment on pose la couleur et le vernis… Tout à côté habitait le professeur de dessin Décrouez dont on savait peu de choses sinon que c’était un artiste et cela forçait le respect.

L’école était évidemment la grande affaire de ces années. J’ai connu d’abord le collège aujourd’hui lycée. Mes débuts y furent difficiles. Comme bien des enfants je ne voulais pas y aller. Le premier jour je manifestai mon refus avec tant de véhémence que le proviseur dû m’enfermer dans le placard de son bureau pendant toute la matinée. C’est aussi là que j’ai découvert l’injustice. La maitresse avait en effet trouvé sous mon siège un petit papier avec je ne sais plus quelle insanité, de celles dont est capable à 5 ans, papier qu’avait jeté à la hâte l’un de mes voisins. Le crime ne pouvait rester impuni… Après un appel à autodénonciation infructueux je fus jugé coupable et condamné à une peine dont l’ampleur me paru d’autant plus disproportionnée que j’étais innocent.

Le marché aux bestiaux se tenait alors place du champ de foire et, les affaires conclues, les vaches partaient au pas de course de la place de la bascule pour être conduites à la gare où elles étaient embarquées pour Paris ou pour l’Italie en suivant l’avenue Wilson et le boulevard Anatole France que l’on appelait encore parfois boulevard de Sebastopol. J’aimais suivre en courant ces troupeaux tout comme bien des années plus tard j’ai aimé participer à l’encierro des fêtes de la San Firmin à Pampelune

Puis ce fut l’école Saint Joseph. Le trajet était plus court et moins pittoresque. Je passais devant l’imposante villa du docteur Ged aux impressionnants avant-toit en bois puis devant l’immeuble plus sobre de son frère radiologue. En face, l’ancien belvédère de Prosper Jouneau était habité par un couple âgé qui se mêlait peu à son voisinage et dont la femme d’origine asiatique accentuait le mystère qui se dégage naturellement de ce bâtiment si peu dans les normes locales.

Un peu plus loin, on trouvait un couvreur, puis un maçon italien et une petite épicerie où j’allais « marchander » des fromages de chèvres qui pour être restés trop longtemps sur une étagère étaient devenus in vendables. Noirs et durs comme un caillou, ils emportaient la bouche. En face, habitait un fabricant de galoches. On en portait encore à la sortie de la guerre. Leurs semelles de bois étaient particulièrement incommodes et elles perdaient souvent leurs clous. L’une des punitions habituelles de l’école St Joseph étaient d’ailleurs d’en ramasser un nombre proportionnel à l’importance de la faute dans la cour pendant la récréation.

Tous les jours en rentrant de l’école après avoir déposé mon cartable à la maison j’allais dans la rue du Bourg-Belais (on parlait également du Faubourg Kleber…) faire des courses alimentaires pour mes parents. C’était le pain à une boulangerie qui existe toujours et en face le lait dans une laiterie qui a disparu. J’allais le chercher dans un bidon en aluminium ouvert que je prenais plaisir une fois plein à faire tourner très vite au bout de mon bras pour que le lait ne retombe pas. Plus loin à côté de la boulangerie il y avait un cordonnier qui m’a appris ce qu’était une alène. En face il avait un garage.

Les activités liées au transport et la mécanique particulièrement étaient en effet bien représentées dans la rue du Bourg Belais.  C’est dans le bas de cette rue qu’est née la société Etalmobil qui a connu par la suite un développement remarquable. Il y avait un peu plus haut un autre garage qui existe encore, plus haut encore les établissements Rouvreau qui vendaient du charbon et de la ferraille à l’angle de la rue Gambetta un réparateur de bicyclettes dont j’étais un bon client et juste à côté un vendeur de pièces détachées auto. En continuant on passait devant Moreau monte-paille dont les machines me faisaient penser à des girafes. Nous arrivions ainsi à ce qui était alors la place des autobus Brivin où l’on trouvait outre l’arrêt de cette compagnie de transport depuis longtemps disparue, une petite épicerie tenue par un italien et un café qui lui a résisté à l’épreuve du temps. C’est de là que je m’embarquais la saison venue pour un voyage ponctué de multiples arrêts pour Champigny le sec dans la Vienne pour y faire les battages ou les vendages chez des parents. L’autre possibilité pour parvenir chez eux était de prendre la Micheline un peu plus rapide mais tout aussi cahotante mais surtout qui nous laissait en gare de Villiers-Vouillé à environ 3 km de notre destination qu’il fallait parcourir à pied…  

Je ne m’aventurais guère plus loin dans cette direction sauf parfois pour aller voir mon grand-père qui était aiguilleur sous le pont de Poitiers ou accompagner mon père lorsqu’il allait chercher des pains de glace dans une fabrique un peu plus loin sur la route de Poitiers.

Plus près, et toujours à la rubrique transport il y avait bien sûr place du rond-point, Moreau-transport dont les camions m’impressionnaient et dont le garage dégageait bien souvent une entêtante odeur de fuel.

Plus original mais parfois tout aussi odorant, il était difficile d’oublier Potet-peaux de lapin dont l’activité précise m’a toujours paru mystérieuse.

Autre odeur dont je me souviens celle du bois. Il y avait en effet à l’angle de la rue du Bourg Belais et de la rue Gambetta, la scierie Ligeard et un peu plus loin rue Voltaire la menuiserie Alnet.

Loin d’être le quartier essentiellement résidentiel qu’il est devenu, le Bourg-Belais comptait également nombre d’artisans et de commerçants et le Cercle était l’un des hauts lieux de la vie sociale parthenaisienne

Visite guidée...

Des anciens commerçants ou habitants ont prêté des objets illustrant la vie commerçante du quartier Gare / Drapeau.

Maria Cavaillès, conservateur du musée, propose une visite guidée de cette partie de l'exposition.

 

Les autres quartiers :

Les commerces de Parthenay des XIXe-XXe siècles

Exposition jusqu'au 25 avril 2021. À suivre aussi sur les réseaux sociaux :